Si les jeux de rôle papier sont d'une diversité étonnante, étrangement dès lors qu'il s'agit d'un jeu vidéo on revient presque tout le temps aux mêmes thématiques de l'heroic fantasy, du cyberpunk ou du post apocalyptique. Disco Elysium est un jeu de rôle comme vous n'en avez jamais vu. Il prend un parti radical de proposer une expérience de jeu sans aucun combat dans un univers fictif pourtant si réel. L'équipe de Za/Um Studio nous livre ici un jeu qui peut cliver mais qui en aucun cas ne peut laisser indifférent.
Lendemain de cuite
Avant même de commencer, le jeu donne le ton avec un écran noir et quelques textes qu'on trouve traduits en français avec soulagement. Ce qu'on peut y lire est étrange, presque métaphysique. On ne sait pas encore dans quoi on met les pieds, mais on tente de répondre du mieux qu'on peut à ce qui semble être des voix intérieures. Puis on finit par émerger. On ouvre les yeux et on se retrouve presque nu dans une chambre d'hôtel miteuse. Visiblement il y a eu des dégâts. Mais on ne se souvient de rien. Une belle gueule de bois qui nous fait oublier jusqu'à votre nom. Peut-être vous appelez-vous Raphaël Ambrosius Costeau ? Vous n'en savez rien, mais en tout cas ce nom vous plait bien. Que faites-vous ici ? Aucune idée. Mais vous commencez à explorer un peu les environs, observez les lieux pour tenter d'en savoir un peu plus. Petit à petit vous allez vous forger votre identité en réagissant aux stimuli extérieurs et aux dialogues parfois très longs avec les autochtones, mais également avec votre moi intérieur ou à tout autre trait de votre personnalité qui vous parle dans votre tête. Rapidement vous ferez la connaissance de votre partenaire qui vous sortira du pétrin plus d'une fois, mais surtout qui aura bien besoin de votre lucidité (du moins il l'espère) pour résoudre cette morbide affaire. Car oui, vous êtes un membre des forces de l'ordre du 41ème et devez résoudre un meurtre par pendaison dans la cour située derrière l'hôtel où vous créchez à l'oeil depuis une semaine. Plus pour longtemps car il va falloir rembourser votre dette et continuer à payer d'avance pour les prochaines nuits.
Un monde qui bouge
En effet, Disco Elysium est un jeu dont le temps passe à mesure de vos actions mais également vos inactions. Certaines actions ne sont possibles qu'à certains horaires et il faudra tenter d'optimiser un peu votre enquête pour ne pas perdre trop de temps. Mais vu que vous êtes sans le sou, il faudra également trouver le moyen d'obtenir de l'argent pour dormir. Ne sous estimez pas cet aspect, car si le jeu ne dispose d'aucun combat, le gameover a la gâchette facile. Si les points de santé ou de morale arrivent à zéro c'est la fin. Heureusement, il existe des médicaments qui peuvent vous redonner un coup de boost à ces jauges. De nombreux objets peuvent être acquis durant le jeu qui dispose du syndrome des poches magiques. Ne vous souciez donc pas de l'encombrement de ce que vous pourrez dénicher. A vous d'équiper ensuite à l'envie une nouvelle veste, un chapeau ou des bottes qui en plus d'être visibles directement sur le personnage en jeu octroient des bonus ou malus sur une des multiples compétences du jeu. A la création du personnage, il est possible de choisir un archétype (intellectuel, homme fort... ou de créer votre avatar (héros serait peut-être un peu présomptueux) à la carte en dépensant des points dans différents traits (en photo plus haut). Ces traits sont répartis en 4 catégories : Intellect, psyché, physique et motricité. Evidemment ces traits vont évoluer durant la partie en fonction de votre manière de jouer. Votre équipement jouera un rôle majeur dans cette évolution, de même que la montée en niveau et l'introspection.
Qui suis-je ?
Tout l'enjeu de Disco Elysium se situe non pas vraiment dans la résolution du crime - même si c'est aussi une étape importante, mais plutôt dans l'évolution du personnage qui apprends sur le monde qui l'entoure et sur lui-même en même temps que le joueur. Régulièrement, il est possible de faire une introspection pour définir qui nous sommes (au pluriel vu le nombre de personnes dans sa tête). Ces introspections philosophiques sont l'occasion de définir en direct des traits de personnalité qui auront un impact sur les caractéristiques du personnage mais également sur les choix de dialogues. Allez-vous devenir un flic superstar ou un alcoolique anonyme ? Un communiste ou un capitaliste ? Allez-vous céder à la tentation de la cigarette pour paraître cool ? Bref un panel conséquent de possibilités que vous pouvez choisir d'intérioriser, provoquant durant un certain temps d'une modification de caractéristiques temporaires avant d'avoir le résultat définitif une fois le processus terminé. Au final tout ça pour faire évoluer vos traits qui servent directement à influencer certaines actions avec des tirages de dés en fonction du trait associé à l'action. Le jeu fourmille de choses à faire, et il existe de multiples manières de résoudre les problèmes apportant une certaine rejouabilité au titre. Toutefois, l'expérience est tellement personnelle que recommencer le jeu serait presque du gâchis. En tout cas de nombreuses quêtes annexes se rajoutent rapidement à la résolution du meurtre et il est aisé de se laisser distraire et de se perdre dans ce monde où nous avons tant à apprendre.
Mon avis à moi
Disco Elysium est un jeu résolument unique. Il est un mélange d'enquête et de jeu de rôle en apparence, mais il est en vrai une plongée dans les abymes de votre cerveau. Qui êtes-vous ? Qu'allez-vous devenir ? Pour une fois il n'est pas question de sauver le monde, car l'enjeu c'est vous-même. Si lire des tonnes et des tonnes de textes ne vous fait pas peur, allez-y ! Plongez dans cette dépravation pourtant si enrichissante.
A qui s'adresse Disco Elysium - The Final Cut ?
- A ceux qui veulent un RPG comme ils n'en ont jamais vu
- A ceux qui aiment parler avec leur subconscient
- A ceux qui aiment incarner un anti-héros
A qui ne s'adresse pas Disco Elysium - The Final Cut ?
- A ceux qui n'aiment pas lire des kilomètres de textes
- A ceux qui aiment la bagarre
- A ceux qui aiment le soleil et les couleurs
Johann Barnaud alias Kelanflyter